Séréna Martinelli
Gravures et peintures
Sentiers broussailleux, femmes prisonnières
Les récents travaux de Serena Martinelli témoignent d’une quête passionnante la poussant sans cesse à se poser des questions nouvelles, à aller voir de l’autre côté.
Au départ, nous dit Serena Martinelli, il y avait cet impressionnant château d’Avenches, ces quatre espaces d’exposition qu’on atteint lors d’une ascension initiatique, deux petites salles d’abord, puis la grande salle, et, par une porte dérobée, le sommet de la tour sur lequel nous reviendrons. « J’ai vu une exposition dans la grande salle, où l’artiste avait pris le parti d’exposer ses tableaux, tous de la même grandeur, de la même taille, de la même technique, et j’ai trouvé ça fabuleux. Voilà un concept d’exposition pour moi ! Je voulais faire de même, suivre cette route royale, oui, mais pour atteindre cette grande route, j’ai d’abord emprunté un petit sentier qui m’a amenée à un autre petit sentier, qui m’amenait à faire autre chose, qui débouchait sur un autre sentier… Je me suis égarée, n’ai jamais réussi à trouver une grande route, moins encore une autoroute. Certains sentiers semblaient faciles, d’autres plus tortueux, broussailleux. J’ai laissé les événements se dérouler sans forcer, sans respecter des critères fixés au départ. J’éprouvai un certain détachement quant aux résultats. Dans les chemins qu’il me fallait explorer, j’ai vécu des aventures en soi, à chaque fois c’était un recommencement. D’où la diversité de ces œuvres, gravures, peintures à la tempera, à l’œuf ou non. »
Il y a tout de même une pensée dominante dans le travail de Serena, qui se précise dans la tour du château, où jadis étaient enfermées les femmes. « J’ai pensé à elles, qui devaient passer un long temps d’attente, enfermées, contraintes à faire toujours les mêmes gestes. Comme Pénélope, prisonnière dans son palais d’Ithaque, cousait le linceul de son beau-père en attendant le retour d’Ulysse, promettant à la centaine de ses prétendants d’accéder à leur demande lorsque ce suaire serait terminé… et défaisant secrètement son tissage, la nuit. Cela me rappelait un travail ancien, mes boîtes arachnéennes, avec le geste répétitif de tirer un fil, coudre, tirer, coudre, tirer. Le temps, l’attente. » On retrouve cette notion de rythme dans les tableaux de Serena, cette trame du temps derrière laquelle se passent des choses mystérieuses, parfois angoissantes, n’étaient la fraîcheur et la vivacité des couleurs qui témoignent de son origine tessinoise.
(Texte de Pierre Hugli pour le journal Pharts)
www.serena-martinelli.chAu départ, nous dit Serena Martinelli, il y avait cet impressionnant château d’Avenches, ces quatre espaces d’exposition qu’on atteint lors d’une ascension initiatique, deux petites salles d’abord, puis la grande salle, et, par une porte dérobée, le sommet de la tour sur lequel nous reviendrons. « J’ai vu une exposition dans la grande salle, où l’artiste avait pris le parti d’exposer ses tableaux, tous de la même grandeur, de la même taille, de la même technique, et j’ai trouvé ça fabuleux. Voilà un concept d’exposition pour moi ! Je voulais faire de même, suivre cette route royale, oui, mais pour atteindre cette grande route, j’ai d’abord emprunté un petit sentier qui m’a amenée à un autre petit sentier, qui m’amenait à faire autre chose, qui débouchait sur un autre sentier… Je me suis égarée, n’ai jamais réussi à trouver une grande route, moins encore une autoroute. Certains sentiers semblaient faciles, d’autres plus tortueux, broussailleux. J’ai laissé les événements se dérouler sans forcer, sans respecter des critères fixés au départ. J’éprouvai un certain détachement quant aux résultats. Dans les chemins qu’il me fallait explorer, j’ai vécu des aventures en soi, à chaque fois c’était un recommencement. D’où la diversité de ces œuvres, gravures, peintures à la tempera, à l’œuf ou non. »
Il y a tout de même une pensée dominante dans le travail de Serena, qui se précise dans la tour du château, où jadis étaient enfermées les femmes. « J’ai pensé à elles, qui devaient passer un long temps d’attente, enfermées, contraintes à faire toujours les mêmes gestes. Comme Pénélope, prisonnière dans son palais d’Ithaque, cousait le linceul de son beau-père en attendant le retour d’Ulysse, promettant à la centaine de ses prétendants d’accéder à leur demande lorsque ce suaire serait terminé… et défaisant secrètement son tissage, la nuit. Cela me rappelait un travail ancien, mes boîtes arachnéennes, avec le geste répétitif de tirer un fil, coudre, tirer, coudre, tirer. Le temps, l’attente. » On retrouve cette notion de rythme dans les tableaux de Serena, cette trame du temps derrière laquelle se passent des choses mystérieuses, parfois angoissantes, n’étaient la fraîcheur et la vivacité des couleurs qui témoignent de son origine tessinoise.
(Texte de Pierre Hugli pour le journal Pharts)